Le régime successoral de l’adoption simple, une question de preuves ?
La Cour d’appel de Riom précise comment prouver les « secours et soins ininterrompus » de l’adoptant envers l’adopté simple, permettant à ce dernier de bénéficier des droits de succession en ligne directe.
Contrairement à l’adoption plénière, l’adoption simple préserve la filiation biologique. Mais, si le droit civil prévoit (sous quelques réserves) que l’adopté simple hérite tant de sa famille naturelle que de sa famille d’adoption, le droit fiscal ne suit pas cette logique de « double filiation ».
L’article 786 du Code général des impôts pose en effet comme principe que « pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il n’est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l’adoption simple » ; l’adopté simple est donc considéré comme un étranger et les donations et successions relèvent du droit de mutation de 60%. Rappelons que la différence fiscale de traitement avec l’adoption plénière avait été validée par le Conseil constitutionnel (décision 2013-361 QPC du 28 janvier 2014).
Néanmoins, plusieurs dérogations sont prévues, parmi lesquelles les enfants issus d’un premier mariage du conjoint de l’adoptant, ainsi que les adoptés majeurs qui « soit dans leur minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans leur minorité et leur majorité et pendant dix ans au moins, [ont] reçu de l’adoptant des secours et des soins non interrompus au titre d’une prise en charge continue et principale » (article 786 3° bis). La Cour de cassation a précisé que les secours et soins ininterrompus n’impliquent pas une prise en charge exclusive de l’adopté par les adoptants, mais « une prise en charge continue et principale » (Cass. Com. 6 mai 2014, 12-21.835)
Dans l’espèce soumise à la Cour d’appel de Riom, le contribuable, résidant du Pas-de-Calais, avait, durant six ans pendant sa minorité, momentanément quitté ses parents pour suivre un traitement de l’asthme à la Bourboule (Puy-de-Dôme), où il était accueilli par un couple, qui l’avait ensuite adopté.
A l’occasion de la succession de l’un des adoptants, il prétendait bénéficier des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe, ce que l’administration fiscale avait remis en cause. Devant le Tribunal judiciaire, il produisait un certain nombre d’attestations propres, selon lui, à prouver les secours et soins ininterrompus des adoptants. Mais le Tribunal n’avait pas fait droit à ses arguments, que le contribuable renouvelait donc en cause d’appel.
Pour contester les prétentions du contribuable, l’administration rappelait qu’en conséquence du caractère écrit de l’instruction (LPF, art. R 202-2), « le témoignage est, en principe, exclu même sous forme d’attestation ou de certificat de notoriété. Toutefois, il peut être produit pour corroborer d’autres moyens de preuve » (BOI-ENR-DMTG-10-50-80). Le contribuable ne pouvait donc se fonder exclusivement sur des attestations, traduction écrite de témoignages oraux. Interprétation balayée par la Cour d’appel sur le fondement de la liberté de la preuve (C. civ, art. 1358, CPC art. 9), « alors que la transmutation d’un témoignage en attestation écrite (…) a précisément pour objet d’adapter ce mode de preuve à la procédure écrite ».
Cependant, sur le fond, la Cour d’appel relève que le séjour à la Bourboule n’étant nécessaire que pour des raisons de santé, le contribuable rentrait chez ses parents biologiques pour les fêtes et que ces derniers « maintenaient l’ensemble des liens nécessaires avec lui dès que cela était possible », au point que le critère de « prise en charge continue et principale durant les six années du séjour (…) pendant sa minorité [faisait] donc défaut ». Cela met en évidence « l’absence d’un délaissement particulier de ses parents biologiques qui aurait amené ses parents adoptifs à se substituer à eux ». Partant, faute de « secours et soins ininterrompus », le contribuable ne pouvait bénéficier des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe et la succession était imposable au taux de 60% applicable aux personnes non parentes.