Souscription de parts sociales au moyen de deniers communs : la renonciation à la qualité d’associé peut être tacite
Lors de la souscription ou l’acquisition par un époux de parts non négociables (société civile, SARL…) au moyen de fonds appartenant à la communauté, son conjoint est protégé par les dispositions de l’article 1832-2 du Code civil : il en est d’abord informé, et cette information doit figurer dans l’acte de souscription ou d’acquisition. Puis, alors que la qualité d’associé est reconnue à celui qui a fait l’apport ou l’acquisition, son conjoint peut revendiquer cette qualité à hauteur de la moitié des parts souscrites ou acquises. Le conjoint peut également renoncer à revendiquer la qualité d’associé. Mais cette renonciation doit-elle être expresse, ou peut-il renoncer tacitement ?
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 21 septembre 2022, l’épouse avait constitué une société au moyen de derniers communs en 1990 ; elle en était par ailleurs la gérante. Après avoir déposé une requête en divorce, l’époux avait, en 2007, revendiqué la qualité d’associé à hauteur de la moitié des parts souscrites par l’épouse et sollicité la communication de documents sociaux. Devant le refus de la société, l’époux avait assigné tant son épouse que la société.
La demande est accueillie par les juges du fond (CA Aix-en-Provence, 29 août 2019 n° 18/16573). Notamment, alors que l’épouse et la société prétendaient que l’époux avait de facto renoncé à revendiquer la qualité d’associé, la Cour d’appel juge que cette renonciation doit être « expresse et non équivoque ». La société forme un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et juge, au visa de l’ancien article 1134 du Code civil, que « la renonciation à un droit peut être tacite, dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer ».
En conséquence, la Cour d’appel aurait dû chercher si les circonstances auraient pu permettre de considérer que l’époux avait tacitement renoncé à la qualité d’associé (les faits de l’espèce pouvaient le laisser penser : afin de scinder une activité auparavant exercée en commun, chacun des époux avait constitué une société distincte, l’une de transport, l’autre de mécanique automobile).
Il est donc primordial, lors de la constitution de sociétés dont le capital n’est pas représenté par des titres négociables, 1° de vérifier l’origine des fonds (propres ou communs), 2° de s’assurer de la bonne information du conjoint commun en biens, 3° de prévoir, dès l’origine, la renonciation ou la revendication de la qualité d’associé, 4° de vérifier l’étendue des clauses d’agrément, qui peuvent ou non concerner les transmissions entre conjoints.