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Bail à construction et cession concomitante des constructions et des terrains à un tiers : quelle fiscalité ?

Aux termes de l’article L. 251-1 du Code de la construction et de l’habitation, le bail à construction est celui par lequel le preneur s’engage à édifier des constructions sur le terrain du bailleur. Il est consenti pour une longue durée (18 à 99 ans), à l’issue de laquelle les constructions reviennent généralement dans le patrimoine du bailleur.

Fiscalement, la remise de l’immeuble en fin de bail est imposable comme revenu foncier, l’assiette étant le prix de revient de la construction diminuée d’un abattement selon la durée du bail (articles 33 bis et 33 ter du Code général des impôts). Des modalités particulières d’étalement de l’imposition sont également prévues. Il en va de même en cas de résiliation anticipée du bail.

Mais qu’en est-il lorsque le terrain et les constructions sont vendues à la même personne, sans que le bail à construction ait été formellement résilié ? Juridiquement, l’opération entraîne la confusion des qualités de bailleur et de preneur, et éteint donc les obligations réciproques (article 1349 du Code civil).

Dans l’espèce soumise au Conseil d’Etat, une société avait acquis concomitamment les droits tirés du bail et la propriété de l’immeuble. Le vendeur du terrain estimait que l’extinction du bail ne pouvait être assimilée à une résiliation, et qu’en conséquence, aucune imposition n’était due.

L’administration fiscale estimait, au contraire, que la cession des terrains, concomitante à la cession des droits tirés des baux à construction, avait entraîné le retour des constructions dans le patrimoine du bailleur, et imposé celui-ci au titre des revenus fonciers sur la valeur des constructions.

La Cour administrative d’appel de Lyon avait jugé que cette double vente produisait les mêmes effets que la résiliation amiable du bail à construction et devait être regardée comme impliquant la remise des immeubles au bailleur un instant de raison avant la vente. En conséquence, elle avait donné raison à l’administration.

Le Conseil d’Etat confirme l’arrêt d’appel : « ces cessions avaient produit, au regard de la loi fiscale, quelle qu’ait été l’intention des parties et indépendamment des dispositions du code civil en application desquelles la confusion en la même personne des qualités de bailleur et de preneur entraîne l’extinction du bail, les mêmes effets qu’une résiliation amiable tacite des baux ». En conséquence, le vendeur doit bien être imposé, dans la catégorie des revenus fonciers, sur la valeur des constructions.

Il en aurait été autrement si l’acquéreur avait séparé les droits tirés des baux et la propriété foncière (les premiers acquis par la société d’exploitation, la seconde par une SCI par exemple). Mais le « réalisme du droit fiscal » a en l’occurrence pris le dessus sur l’analyse juridique. Il est donc primordial de bien mesurer les conséquences fiscales de l’opération avant de l’engager.

Conseil d’Etat, 29 décembre 2021 n° 438856

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