Les aides au logement : des substituts de revenus revenant à la communauté
La qualification de bien commun ou de bien propre est souvent un point négligé au quotidien lorsque deux époux sont mariés sous le régime de la communauté (légale ou conventionnelle). Elle revêt toutefois une importante fondamentale notamment dans la détermination des pouvoirs des époux, du droit de gage des créanciers du couple, ou encore des conséquences de la liquidation du régime matrimonial.
C’est sur cette dernière hypothèse que la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer le 1er décembre dernier au sujet de l’Aide Personnalisée au Logement (APL).
Pour rappel, il ressort de 1401 du Code Civil que « la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ».
A l’inverse, l’article 1404 du Code civil dispose que « forment des propres par leur nature […] tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne ».
En l’espèce, l’épouse avait acquis un bien antérieurement à son mariage, au moyen d’un emprunt qu’elle a continué à rembourser au cours du mariage (bien propre). Afin de procéder au remboursement dudit emprunt, elle avait notamment utilisé des sommes reçues au titre de l’APL.
Les époux ont ensuite divorcé et dans le cadre de la liquidation de leur communauté, s’opposaient sur la nature juridique de ces sommes : soit les aides constituaient un bien propre (ce que soutenait l’épouse), soit il s’agissait d’un bien commun (postulat soutenu par l’époux), leur affectation au remboursement d’un prêt contacté pour l’acquisition d’un bien propre entraînait donc un droit à récompense au profit de la communauté.
La Cour d’Appel de Colmar avait estimé que les sommes perçues au titre des APL constituent des biens communs et ainsi considéré à ce titre que l’épouse devait une récompense à la communauté. Cette dernière s’était pourvue en cassation.
La 1ère chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi : les aides aux logements personnalisées constituent un substitut de revenus pour son bénéficiaire. Ces sommes ayant la nature de biens communs (par application de l’article 1401 du Code civil), leur affectation au financement d’un bien propre fait naître un droit à récompense au profit de la communauté.
Cet arrêt confirme les décisions déjà rendues en telle matière (notamment Cass. Civ. 1e, 10 juillet 2013). Même si l’article L 821-6 du Code de la construction de l’habitation qualifie les aides personnelles au logement de sommes « incessibles et insaisissables », faisant ainsi écho à l’article 1404 du Code civil qui qualifie de biens propres les créances et pensions incessibles, les magistrats de la Cour de Cassation écartent cette qualification. Ils rappellent que ces aides personnalisées au logement sont accordées selon la composition et les ressources du foyer, et non uniquement de la personne qui en est bénéficiaire. Les ressources telles que les salaires, et plus globalement les revenus, étant des biens communs lorsque les époux sont mariés sous la communauté légale, il est logique que ces aides personnalisées au logement empruntent cette même qualification.