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Transmission d’une entreprise individuelle : les liquidités excessives ne peuvent bénéficier de l’exonération Dutreil

Appliquée aux entreprises individuelles (sans forme sociétaire), l’exonération Dutreil s’étend aux biens nécessaires à l’exercice de la profession, que ces biens soient ou non inscrits à l’actif du bilan de l’entreprise. La condition de « nécessité » est sujette à interprétation, et c’est dans ce cadre que la Cour de cassation a récemment statué sur les liquidités (trésorerie et valeurs mobilières de placement) figurant à l’actif d’une entreprise agricole.

L’exploitant agricole était décédé, laissant ses neveux et nièce pour légataires. A l’actif de la succession figurait une exploitation agricole, composée du matériel d’exploitation, du patrimoine foncier, bâti ou non, et de disponibilités, composée notamment de valeurs mobilières et de liquidités provenant de la succession de l’épouse du défunt, décédée peu de temps auparavant. Les ayants-droits avaient demandé à bénéficier de l’exonération Dutreil et, en application de l’article 787 C du CGI, s’étaient engagés à conserver les biens pendant quatre ans et à poursuivre l’activité pendant trois ans.

L’administration fiscale avait estimé qu’une partie des disponibilités (valeurs mobilières et sommes issues de la succession de l’épouse prédécédée) n’étaient pas nécessaires à l’exercice de la profession. Elle avait donc rehaussé les droits de succession, ce que les héritiers avaient contesté.

La Cour d’appel (Pau, 19 novembre 2019 n° 16/03456) avait donné raison à l’administration : les liquidités de l’entreprise individuelle étaient bien supérieures à ses charges courantes d’exploitation. D’autre part, si les héritiers prétendaient que le défunt avait conservé ces sommes pour assurer le renouvellement du matériel (étant, vu son âge, en incapacité d’emprunter), rien ne démontrait qu’il avait envisagé des modifications importantes dans la gestion du domaine. Enfin, la Cour relevait que les investissements réalisés par les héritiers sur le domaine agricole postérieurement au décès (achat de deux tracteurs notamment) pouvaient être couverts par les seules liquidités de l’entreprise (sans puiser dans les valeurs mobilières de placement et les liquidités provenant de la succession de l’épouse).

La Cour de cassation confirme cet arrêt : l’administration a la faculté de rapporter la preuve que des biens inscrits au bilan ne sont pas nécessairement et effectivement affectés à l’exploitation ; il résultait des constatations de la Cour d’appel que les sommes litigieuses et les valeurs mobilières de placement dépassaient les besoins normaux de l’exploitation et, en conséquence, ces actifs devaient être exclus de l’assiette de l’exonération.

Cour de cassation, chambre commerciale, 9 février 2022, 20-10.753

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