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Abattement renforcé sur les plus-values de cessions de titres : quelques précisions

Le contribuable qui a perçu une plus-value de cession sur des titres acquis avant 2018 peut (s’il opte pour l’imposition au barème progressif), appliquer un abattement pour durée de détention. Il s’agit soit d’un abattement simple, soit de l’abattement renforcé prévu à l’article 150-0 D, 1 quater du CGI.

Dans ce dernier cas, le taux de l’abattement dépend de la durée de détention des titres cédés (de 50% si les titres ont été détenus de 1 à 4 ans, jusqu’à 85% si les titres ont été conservés plus de 8 ans). Néanmoins, l’abattement renforcé est soumis à de nombreuses conditions.

La Cour Administrative d’Appel de Versailles a récemment apporté un éclairage sur deux d’entre elles.

Le litige portait sur le sort de la plus-value réalisée par une personne qui avait acquis des titres de la société dont elle était salariée, puis les avait revendus quelques années plus tard. La plus-value était alors imposée à l’impôt sur le revenu (le PFU n’existait pas encore), et le contribuable avait appliqué l’abattement renforcé.

L’administration fiscale avait remis en cause le bénéfice de cet abattement pour deux motifs, auxquels répond la Cour (qui, il faut le noter, n’a pas suivi les conclusions du rapporteur public).

En premier lieu, l’administration estimait que la promesse unilatérale de cession d’actions, signée par le contribuable au profit d’un dirigeant de la société concomitamment à son acquisition, constituait une garantie en capital. Or, aux termes de la loi, il ne peut être fait application de l’abattement renforcé si la société émettrice des titres cédés « accorde une garantie en capital à ses associés en contrepartie de leurs souscriptions ».

La Cour juge que la promesse unilatérale de cession d’actions, si elle garantissait à son bénéficiaire de pouvoir acheter les titres, ne l’obligeait en aucun cas à lever l’option (l’utilité de cette promesse étant simplement d’empêcher le promettant de céder à un tiers). La Cour en conclut que le promettant ne bénéficiait pas d’une garantie en capital prohibée par l’article 150-0 D, 1 quater du CGI.

En second lieu, l’administration fiscale estimait que la société dont les titres étaient cédés n’était « pas une société réellement nouvelle, mais le prolongement de ses deux sociétés actionnaires ». Ce qui contrevenait avec la condition prévue au 2° du B du 1 quater de l’article 150-0 D 1 selon laquelle « la société [dont les titres sont cédés] n’est pas issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes ». En l’occurrence, la société avait été constituée entre deux sociétés ayant des activités complémentaires.

Argument rejeté par la Cour : « le législateur n’a entendu viser que les entreprises qui, eu égard à la similarité ou à la complémentarité de leur objet par rapport à celui d’entreprises antérieurement créées et aux liens de dépendance qui les unissent à ces dernières, sont privées de toute autonomie réelle et constituent de simples émanations de ces entreprises préexistantes », ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Comme tout régime de faveur, l’abattement renforcé, qui peut s’avérer très favorable, est strictement encadré ; aussi est-il nécessaire, lorsqu’il est invoqué, de vérifier méthodiquement que l’ensemble de ses conditions est bien rempli. A défaut, on rappellera que l’abattement simple, beaucoup plus largement ouvert, peut s’avérer plus favorable dans certains cas.

CAA Versailles, 3e ch. 18 novembre 2021 n° 19VE01636

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