Cession de titres démembrés : la convention de remploi prime sur la réalité du remploi

La jurisprudence du Conseil d’Etat sur le traitement fiscal du prix de vente de titres démembrés est bien établie ; ce traitement dépend du sort que les parties conviennent de réserver à la somme perçue.

  • S’il est prévu une répartition du prix entre usufruitier et nu-propriétaire, l’imposition de la plus-value est également répartie entre eux.
  • S’il est convenu de remployer la somme pour l’achat d’un autre bien, la plus-value est intégralement imposable entre les mains du nu-propriétaire.
  • En revanche, s’il est convenu la constitution d’un quasi-usufruit sur le prix de vente, ou si le remploi n’est que facultatif, c’est l’usufruitier qui sera imposable sur la totalité de la plus-value (voir notamment notre article à ce sujet).

Mais qu’en est-il lorsque, ne respectant pas leurs propres accord, les parties font du prix de vente un usage différent de celui dont elles étaient convenues ? C’est à cette question qu’a répondu le Conseil d’État dans un arrêt du 3 mars 2022.

Par un pacte écrit, des parents et leurs enfants, respectivement usufruitiers et nus-propriétaires d’actions d’une société, étaient convenus de remployer le prix de vente des actions pour constituer une SCI. La holding avait ensuite réduit son capital mais l’assemblée générale avait précisé que, pour les titres dont la propriété était démembrée, le nu-propriétaire donnait mandat irrévocable à l’usufruitier de percevoir seul le prix.

La Cour administrative d’appel de Versailles avait confirmé, que faute d’un remploi effectif du prix des titres, la plus-value était imposable entre les mains des parents usufruitiers.

Le Conseil d’État annule cet arrêt : la Cour ne pouvait se fonder sur des circonstances postérieures au fait générateur de l’imposition pour déterminer le redevable de l’impôt. En d’autres termes, le redevable est celui qui, en application des principes rappelés plus haut, est déterminé par la convention passée entre les titulaires de droits démembrés, peu importe que cette convention ait été ou non respectée par les parties.

En l’espèce, bien que la convention ait prévu un remploi intégral du prix des titres (la plus-value étant donc imposable entre les mains des nus-propriétaires), le fait que cette somme n’ait pas fait l’objet du remploi convenu n’a pas pour effet de mettre l’imposition à la charge de l’usufruitier.

En outre, précise le Conseil d’État, la délibération de l’assemblée générale extraordinaire de la société ne modifie pas les droits respectifs qu’usufruitier et nu-propriétaire tiraient des conventions existant entre eux.

CE, 9e chambre, 3 mars 2022 n° 437247

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