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Défiscalisation immobilière : Prescription de l’action contre le conseiller

Les cas d’investisseurs qui se plaignent de la rentabilité ou de la valeur réelle d’un investissement immobilier défiscalisant abondent en jurisprudence, et un certain nombre de principes sont régulièrement rappelés par les juridictions (voir à ce sujet notre publication : Le conseiller qui n’a pas mentionné le risque inhérent à une opération doit compenser l’intégralité du préjudice subi). Cette fois, c’est sur la prescription de l’action en responsabilité que la Cour d’appel de Toulouse s’est prononcée par quatorze arrêts rendus le 21 mars 2022.

Des personnes qui avaient acquis des appartements dans le cadre d’opérations de défiscalisation (Girardin dans onze dossiers, Robien recentré dans trois dossiers) reprochaient tant aux constructeurs qu’aux commercialisateurs de leur avoir caché des informations quant à la valeur réelle des biens vendus, à la rentabilité locative et aux risques liés à l’opération. Mais les actions en justice avaient été engagées plusieurs années après la livraison des immeubles, et les tribunaux de première instance avaient déclaré les actions prescrites.

C’est dans ces conditions que la Cour d’appel de Toulouse s’est trouvée saisie de quatorze dossiers similaires, et a pu rendre quatorze arrêts quasiment identiques.

En premier lieu, la Cour distingue deux fondements juridiques aux actions intentées :

  • le dol, l’erreur volontairement provoquée par l’autre contractant, qui « doit être sanctionné alors même que le cocontractant aurait, en négligeant de s’informer, commis une faute d’imprudence, sauf à démontrer que l’erreur est trop grossière » ;
  • le manquement au devoir d’information et de conseil, qui entraîne un préjudice « consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d’éviter le risque ».

Dans les deux cas, la Cour déclare les actions prescrites sur le fondement de l’article 2224 du Code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. », mais en distinguant le point de départ de la prescription.

  • sur le fondement du dol, la prescription court à compter du moment « où la victime a effectivement été mise en situation de prendre conscience des mensonges et manœuvres alléguées » ; en l’occurrence, dans la mesure où le gestionnaire garantissait une vacance locative de six mois, la prescription court à compter de l’expiration d’un délai de six mois à compter de la livraison du bien.
  • Sur le fondement du manquement au devoir d’information et de conseil, en revanche, la prescription court « dès la conclusion du contrat envisagé, à moins que l’investisseur démontre qu’il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage » (et non, par exemple, à compter de l’expiration de l’obligation fiscale de mise en location).

Et, ajoute la Cour, « le devoir de vigilance oblige les acquéreurs à faire preuve d’une certaine curiosité au moment de la vente. Ainsi, ils doivent effectuer une vérification élémentaire, qui est de se renseigner sur le prix moyen au mètre carré, tant à la location qu’à la vente, dans le secteur des biens litigieux ».

Il appartient donc à l’investisseur, d’une part, de se renseigner préalablement à son acquisition (Emptor debet esse curiosus, disait déjà le droit romain : « l’acheteur se doit d’être curieux »), d’autre part, si la rentabilité de son bien n’est pas à la hauteur de ce qui lui a été promis, de ne pas attendre excessivement avant de faire valoir ses droits.

CA Toulouse, 21 mars 2022 n° 20/01671, 20/01349, 20/00734, 20/00744, 20/01336, 20/01042, 20/02474, 20/01357, 20/01350, 20/01674, 20/00699, 20/00735, 20/00737, 20/00745

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